Tabaski 2020 : Les leçons non apprises du coronavirus

Article : Tabaski 2020 : Les leçons non apprises du coronavirus
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4 août 2020

Tabaski 2020 : Les leçons non apprises du coronavirus

L’Aïd El Kébir, la fête du mouton vient d’être célébrée au Sénégal avec l’engouement populaire des grands jours. Comme quoi, le Coronavirus malgré tout n’aura rien changé au vécu des gens.


Le coronavirus continue de faire son petit bonhomme de chemin. Si dans plusieurs contrées du monde l’on juge le pic dépassé, la pandémie fait toujours craindre le pire. Non pas pour les dégâts qu’elle continue de causer mais pour la réalité qu’elle met en évidence : notre incapacité à nous adapter aux exigences des défis et crises qui nous interpellent jour après jour.

Le trimestre passé entre confinement, gestes barrières, fermeture des lieux de culte et des établissements scolaires n’aura été qu’une parenthèse. Un cauchemar dont on ne se rappelle pas sans une sensation d’asphyxie. Comme quoi, nous sommes encore loin de pouvoir rompre nos attaches et nous réinventer en quoi que ce soit au motif de l’impératif devoir de survie. À supposer toutefois que les êtres sociaux que nous sommes puissent vivre en faisant table rase des repères culturels majeurs dont ils sont les produits.

Le sacrifice d’Abraham est pour et non contre la vie

Toutes ces semaines durant, la commération du sacrifice d’Abraham a prévalu plus que tout. Le souvenir de l’agneau précipité du ciel pour sauver de la mort le fils du patriarche en attente d’être immolé, mains et pieds liés. Si l’on met d’avantage le focus sur la foi du prophète largement éprouvée en la circonstance, il ressort du récit que le Ciel met un point d’honneur à préserver la vie humaine.

À l’opposé, le zèle dont fait montre le plus grand nombre d’entre nous ne privilégie pas autant ce fameux principe de la vie. Les ferveurs en transports sont trop fortes pour épargner notre sens de la mesure et du juste milieu. En atteste le soin que nous mettons à sacrifier aux rites mêmes non obligatoires quoi que cela puisse nous coûter.

Festoyer à tout prix

L’Aïd ne constitue pas une exception à la règle. A voir les compatriotes en assaut aux marchés, foirails, ateliers de couture ; à considérer l’ambiance festive des derniers jours, c’est à se demander si le confinement a d’une manière ou d’une autre entamé les bourses familiales. Si la menace de la pandémie pose peu ou prou quelque inquiétude au commun des Sénégalais.

« Tabaski sacrée, sucrée » pour paraphraser le dicton du pays qui renvoie aux grâces et graisses en abondance le jour béni de l’Aïd. La course au mouton cornu et bien dodu n’en est que plus difficile. Apre à en juger du jeu de trapézistes auquel se livrent bon nombre de chefs de famille pour répondre au mieux aux caprices des bonnes dames et de la marmaille. Pas que le bélier à pourvoir, vous devinez ; il faut aussi compter le choix de tissus de luxe pour l’apparat, l’ameublement de la maison à renouveler, les étrennes aux beaux parents. Un pouvoir d’achat bien fort pour le Sénégalais lamda qui a bataillé becs et ongles quelques semaines auparavant pour compter parmi les bénéficiaires des denrées alimentaires destinées aux nécessiteux.

En prédisant à hue et à dia que le monde ne sera plus jamais le même après la Covid-19, les hommes de médias, analystes et devins ont certainement eu tort. Un optimisme béat qui n’a d’égal que notre souhait à nous tous de passer à autre chose que ce que nous réserve un vécu dont nous sommes plutôt esclaves que maîtres. Puisqu’il nous manque le courage de délier en toute chose l’essentiel de l’accessoire ; puisqu’il nous manque le courage de nous prêter aux mises à jour qui fondent à l’échelle de l’univers et pour toute forme de vie humaine, animale ou végétale, les possibilités d’avenir et de devenir.

Mamadou Magarem FALL
mfallcom@gmail.com

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