Sénégal : contre la limitation des mandats présidentiels, Macky Sall en mode rétro

Article : Sénégal : contre la limitation des mandats présidentiels, Macky Sall en mode rétro
Crédit: Depositphotos
16 mai 2022

Sénégal : contre la limitation des mandats présidentiels, Macky Sall en mode rétro


En recevant les Young Leaders à Dakar, le président Macky Sall se prononce contre la limitation des mandats présidentiels. A l’heure où son éventuelle candidature pour un troisième mandat fait débat, pourrait-on y soupçonner un deus ex machina ?

En art dramatique, le deus ex machina s’entend d’un personnage ou évènement dont l’intervention peu vraisemblable apporte un dénouement inespéré à une situation sans issue. En clair, le protagoniste ne peut se tirer d’affaire que par un secours extra-ordinaire, imprévu. Littéralement, on parlera de « main divine » ; symbole d’omnipotence.

L’ascenseur indiqué pour se passer de l’escalier décrié


Dans le cas d’espèce, la polémique autour du troisième mandat du président Sall est partie pour déboucher sur une situation de litiges évidents. Quoiqu’en disent par ailleurs les partisans du locataire du palais. D’abord, pour la part belle qui a été la sienne lorsqu’il s’est agi pour l’opposition sénégalaise de s’insurger contre la troisième candidature du président Abdoulaye Wade en 2012. Ensuite pour les moult rappels qu’il n’a cessé de servir aux Sénégalais sur son impossibilité à se représenter à la magistrature suprême en 2024.

Non content de « verrouiller » la question dans la constitution, le président Sall s’est volontiers prêté à l’exégèse des alinéas controversés. Pour sa part, les dispositions constitutionnelles rédigées en français clair et limpide ne souffrent d’aucune équivoque.

Autres temps, autres moeurs ; la limitation du mandat du président de la république n’est plus du goût du leader de l’APR (Alliance Pour la République ).

Un virage à 180 degrés qui laisse interdit plus d’un compatriote. Sans rentrer dans l’argumentaire et sa teneur, il faut admettre qu’une telle sortie est tout simplement malvenue et inappropriée. On pourrait la pardonner à un autre auteur ; pas à Monsieur le président pour les conflits d’intérêts évidents qui le confondent à ce propos.

Qui plus est, le contexte insinue à suffisance le prétexte ; l’ascenseur par excellence pour un troisième mandat. Peut-être pour une présidence à vie ; qui sait puisque ce n’est pas ce qui manque en Afrique.

Déblocage de la limitation du mandat présidentiel, vous dites ?
Ceux qui jubilaient à l’élection d’un président de la République né après les indépendances ne sont pas au bout de leurs surprises. En effet, il se confirme jour après jour que les pères d’âge colonial avaient un sens plus aigu de la démocratie et de l’alternance qui en est le ressort. Le Sénégal, école du multipartisme et référence en matière de stabilité et d’avancée démocratique serait-il en recul ?

Un recul démocratique évident

Le monopole du pouvoir, on sait à quoi cela renvoie. De nombreux pays africains l’ont connu à leurs dépens. Ils continuent à en payer chèrement le prix des générations durant. Voilà à quoi ressemble le prototype de gouvernance :

L’appareillage étatique est vite grippé ; il souffre d’une gestion ethniciste, clanique ; voire familiale. Le père de la nation est déifié ; « l’éternel » loué ailleurs et en d’autres temps. Quand ça trimballait sous une toque en peau de léopard inspirant un pouvoir quasi monarchique. Ailleurs, l’absence de limitation de mandat a mené dans bien des cas à une présidence « végétative ».

Sous le coup de l’âge, le leader s’endort en plein conseil des ministres. Ses trous de mémoire font qu’il se perd le plus souvent dans les dossiers. Sénilité, maladie de Parkinson, d’Alzheimer, cancer, AVC, arthrose, ostéoporose, démence se disputent ses jours. Sous perfusion dans un lointain hôpital métropolitain, le demi-dieu gouverne par procuration : ça faiblit, ça ne casse pas. Le peuple prendra son mal en patience. Servis au jour le jour, ses bulletins médicaux rassurent. Ils sont l’émanation non de son médecin traitant mais du pool en charge de la communication du palais. La même team qui prépare le peuple qu’au pire des cas le meilleur est à venir avec le fils ; l’héritier légitime du père.

Voilà le schéma de gouvernance qui nous menace et qui a mené au chaos pas mal d’Etats africains voisins. Évidemment si l’on n’y prend garde, la boulimie du pouvoir de nos politiques triomphera de nos garde-fous institutionnels et constitutionnels par un simple coup de baguette magique : le deus ex machina. Peut-être une machination quelconque à la puissance vraisemblablement divine.

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Commentaires

Le Baragosse
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La decision du president Macky Sall de suivre l'avis du Conseil constitutionnel en secoue plus d'un qui denoncent le "Wax, waxeet" (l'art de dire et de se dedire). Le 3 avril 2012, Macky Sall avait promis, lors de la campagne presidentielle, de reduire le mandat presidentiel de 7 a 5 ans.