Emergence et indigence en rimes

Article : Emergence et indigence en rimes
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5 juillet 2021

Emergence et indigence en rimes

Lettre ouverte au président Macky Sall à l’occasion de sa tournée économique du 10 juillet 2021 à Keur Momar Sarr (région de Louga).

Votre Excellence,

L’inauguration à Keur Momar Sarr de la troisième usine des eaux du lac de Guiers vous amènera prochainement à fouler le sol du walo Dier. Le terroir vous attend avec les honneurs. Pasteurs du Ferlo, artisans, agriculteurs, pêcheurs et populations se préparent à vous réserver un accueil digne de votre rang de premier magistrat de la république.

Naturellement, les femmes seront au rendez-vous. Elles seront même en premières lignes à côté des autorités, des jeunes et des artistes. Tous viendront du Walo profond : de Mbane à Keur Momar Sarr en passant par Syer, Gnith. De Mayel à Mbanaar, de Ngonaké à Diaminar, ils arriveront ; qui à pied, qui à bord de charrettes ou de camionnettes. Ils braveront la canicule des terres et le sable des pistes hasardeuses pour honorer de leur présence un temps fort de la République. J’allais dire, pour imprimer avec votre excellence un acte historique, symbole d’émergence et de progrès.

Monsieur le président de la République,



A l’heure des échangeurs, des autoroutes à péages, du Train Express Régional et des universités virtuelles, le Sénégal Emergent est un fait. Il est plus juste de le dire ainsi : le Sénégal de l’émergence est une réalité autant que celui de l’indigence.

L’arrière-pays qui vous déroule le tapis illustre on ne peut plus l’impitoyable fracture.

Monsieur le président de la République,

Ne vous fiez pas à la liesse des foules, à leur enthousiasme et entrain. Prenez le temps de regarder dans les yeux de ces femmes et enfants ; remarquez la maladresse des gestes, touchez ces mains qui applaudissent ; que dire des sourires à demi couvert ?

Monsieur le président,

Comprenez simplement que le pays des femmes de Nder va mal. Le walo des Brack vivote ; il suffoque. Par ici, la soif est la chose la mieux partagée en dépit de trois usines des eaux érigées sur le lac de Guiers.
De Ndonthie à Brar, de Genn Goudy à Taggar, la plupart de nos villages et hameaux consomment directement les eaux de surface pour étancher leur soif. L’on imagine aisément le danger que le fait représente pour les populations eut égard aux agents pathogènes dont le lac est le lieu de prédilection.

Votre Excellence,


Il est fort à parier qu’en raison de son état de dégradation avancée, votre protocole n’emprunte le tronçon Louga-Keur Momar Sarr. Son prolongement à Gnith et Colona est dans un délabrement piteux alors que la piste Richard Toll-Keur Momar Sarr-Mpal est la croix et la bannière pour les usagers.
Si l’on en juge de l’essor du secteur agroindustriel que connaît le terroir, on mesure l’énorme manque à gagner que l’absence de pistes de production dignes de ce nom impute à notre économie.

A ce diagnostic, on pourrait ajouter les problèmes d’électrification de même que l’absence d’infrastructures sanitaires et scolaires dans maintes localités.

Monsieur le président de la République,



Loin de nous l’idée d’aller à contre courant de l’élan d’accueil qui anime les populations de la vallée du lac de Guiers. Un élan républicain qui trempe dans l’hospitalité légendaire du Walo, terre d’histoire et de noblesse. Ce cri de cœur ne pouvait toutefois manquer. Cette voix anonyme mais forte de toutes les voix à l’unisson, pour que le walo Dier sorte de soixante ans d’exclusion et emprunte résolument la rampe de l’émergence.
Dans l’espoir que vous porterez à cœur ce cri pour rendre possible notre rêve d’égalité, d’équité et de justice sociale, veuillez agréer, Monsieur le président de la république notre haute considération.

Dieu bénisse le Sénégal !

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