Sénégal : qui du politique ou de l’électeur trompe l’autre ?

Article : Sénégal : qui du politique ou de l’électeur trompe l’autre ?
Crédit: Luis / Pexels
10 janvier 2022

Sénégal : qui du politique ou de l’électeur trompe l’autre ?

Au Sénégal, la campagne électorale pour les locales du 23 janvier 2022 démarre. A cette occasion, les équipes de campagne déroulent leurs toutes dernières stratégies pour démarcher et rallier le plus de votants possibles. Cependant sur le terrain, les électeurs sont assez futés pour tirer leur épingle du jeu.

Un plan de quartier

Dieyna et Fatou viennent de collecter la centaine de cartes d’électeurs des membres de leur association féminine pour les présenter à un candidat à la mairie. Un porte-à-porte rude qui paie trop bien même en PPSD pour Pays Pauvre Sous-Développé. La dernière fois, l’opération leur a rapporté un demi million de francs CFA. De quoi renflouer substantiellement la tirelire du GPF ; entendez Groupement de Promotion Féminine.

Le modus est assez simple. Le candidat et son équipe vérifient les pièces en question pour s’assurer du poids électoral des bonnes dames. Compte non tenu des voix de leurs familles et alliés. S’ensuit une visite du leader accueilli en grandes pompes au quartier. La main au feu, les femmes lui jurent soutien indéfectible et désintéressé jusqu’à la victoire finale.

Cette allégeance spectaculaire et cette préférence à tous les candidats en lice valent bien espèces sonnantes et billets de banque en liasses. A ceci près que le leader et sa bande ignorent que leur coalition est justement la troisième du genre à pactiser avec les bonnes dames de l’association. Mais que voulez vous, Dieyna et compagnie s’y prennent avec tant de génie que plus d’un se laisserait flouer par leur jeu de rôle.

Pas de fausse note au village

Ailleurs, au plus profond du Diéri, les choses ne sont pas différentes. Un petit village de pêcheurs et d’agriculteurs se prépare à un meeting haut en couleurs. Le leader politique joue son va-tout sur sa capacité à promettre et à distribuer le blé. Un GAB mode sahélien ; entendez Guichet Automatique de Blé errant.

Les paysans qui ne manquent pas de cran savent évidemment distinguer la graine de l’ivraie. Pour ce qui relève des promesses notamment. L’eau courante dans les maisons, l’électricité pour tous, du travail pour les jeunes, des lignes de crédit pour les femmes, une ambulance flambant neuf, etc.

Toutefois pour le « pognon sur rue », il vaut mieux taire toute opposition au patron. Une consigne respectée au pied de la lettre par hommes et femmes, petits et grands. << Pas de fausse note de grâce ; applaudissons, faisons comme si ; de toutes façons nous avons encore les cartes en main >>.

La voilà la réplique de l’électeur des faubourgs et des hameaux de l’arrière-pays profond à la stratégie des chasseurs de voix. Ici, les candidats confondus de toutes les coalitions, listes et couleurs ont le privilège des honneurs et du tapis rouge. Les plus avertis s’exerceront même à vouloir distinguer la part effective du blé débité de la confiance réelle des foules en euphorie. Eh bien…

Dans le secret de l’isoloir

Eh bien le dernier acte de la pièce se jouera derrière le rideau sombre de l’isoloir. L’unique pré carré (synonyme de toute-puissance ) que l’électeur doit à la République. Passés le tintamarre des meetings, l’odeur du blé, les serments et sermons, le citoyen est ici seul souverain. A moins qu’un candidat ait poussé le bouchon au point de le mettre en mal avec Dieu et les saints. Qu’il coure le risque de la fournaise et de ses tourments s’il venait à jeter le maudit bulletin à la corbeille.
Sacrée Afrique !

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