La guerre russo-ukrainienne aura-t-elle lieu au Sahel ?

Article : La guerre russo-ukrainienne aura-t-elle lieu au Sahel ?
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26 août 2023

La guerre russo-ukrainienne aura-t-elle lieu au Sahel ?

Une éventuelle intervention armée de la Cedeao contre les putschistes au Niger met dos à dos les régimes militaires pro-russes de la sous-région et le reste des états membres de l’organisation. Ces derniers étant soutenus par la France et les USA, le Niger ne risque-t-il pas de devenir la future Ukraine africaine ?

Les militaires indésirés au pouvoir

Le 26 Juillet dernier, le général Abdourahmane Tchiani renverse le président nigérien Mouhamad Bazoum.  La communauté internationale condamne le coup de force militaire. En premières lignes, la Cedeao exige le retour à la légalité constitutionnelle. Elle décrète contre la junte une batterie de sanctions dont la suspension des transactions financières avec le Niger et le gel de toutes les transactions de service qui inclut la coupure de l’électricité. L’organisation ouest-africaine ne s’arrête pas là ; elle brandit une intervention armée contre le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP).

La France qui a condamné le putsch et la séquestration du président Bazoum et de sa famille affirme « son plein soutien à l’ensemble des conclusions » de la Cedeao. De son côté, le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken a déclaré sur RFI que les Etats-Unis « soutiennent les efforts de la Cedeao pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger ». Pour rappel, la France et les USA comptent respectivement 1500 et 1000 soldats déployés au Niger pour soutenir les Forces Armées Nigériennes (FAN) dans leur lutte contre les groupes armés et les djihadistes de manière générale.

les Etats-Unis « soutiennent les efforts de la Cedeao pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger »

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Ouaga et Bamako soutiennent le putsch

Le Burkina Faso et le Mali tous deux dirigés par des régimes militaires pro-russes ont très tôt manifesté leur soutien au général Tchiani et au CNSP. Mieux, Ougadougou et Bamako affirment qu’une « intervention militaire » pour rétablir le président Bazoum « s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali ». Il y’a à peine une semaine, les deux pays ont envoyé des avions de guerre pour répondre à toute attaque contre le Niger. Dans un reportage diffusé par la télévision d’Etat nigérienne, il s’agit précisément d’avions de chasse Super Tucano.

Si la Russie n’a pas officiellement manifesté son soutien au général Tchiani, elle a toutefois mis en garde contre une éventuelle intervention armée de la Cedeao qui serait de nature à provoquer « une forte déstabilisation » du Niger. Au demeurant, les nigériens ont moult fois été nombreux à battre le macadam arborant le drapeau russe et scandant des slogans hostiles à l’endroit de la France.

manifestants nigériens avec drapeau russe et slogan anti français
Manifestants nigériens avec drapeau russe et slogan anti français AFP

une « intervention militaire » pour rétablir le président Bazoum « s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali »

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Le Niger, future Ukraine africaine ?

Depuis la fin de l’ultimatum de la Cedeao adressé aux militaires putschistes le 7 Août dernier, un intense ballet diplomatique est en cours entre Niamey et les autres capitales de l’Afrique de l’ouest pour privilégier le dialogue et œuvrer à un règlement pacifique du conflit. L’une des dernières missions en date est conduite par le ministre algérien des affaires étrangères en tournée en Afrique de l’ouest pour trouver une solution pacifique à la situation de crise au Niger qui partage pas moins de mille kilomètres de frontières avec l’Algérie. En dépit de ces efforts diplomatiques, la Cedeao a annoncé avoir positionné sa force militaire qui est désormais « prête à intervenir ».  « Nous sommes prêts à intervenir dès que l’ordre sera donné », a déclaré le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Cedeao, Abdel-Fatau Musah. Last but not least, Wagner, le groupe paramilitaire russe en activité dans plusieurs pays de la sous-région préoccupe beaucoup le camp occidental. Anthony Blinken, le secrétaire d’état américain l’accuse de « profiter » de l’instabilité au Niger. Sur ce point justement il convient de rappeler la dernière sortie en terre africaine du désormais ex-patron de Wagner Evgueni Prigogine quelques jours avant sa mort : « Nous travaillons. La température est de 50°C. Comme nous l’aimons. Wagner mène des activités de reconnaissances et recherches pour rendre la Russie encore plus grande et l’Afrique encore plus libre »

Au regard des jeux d’alliance de part et d’autre et de l’appel d’air dont Moscou bénéficie à la faveur des putschs au Mali et au Burkina Faso notamment, il est fort à parier qu’une intervention armée au Niger sonnera le rappel des protagonistes du conflit ukrainien en terre africaine cette fois-ci.

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